Genèse

Tu veux nous connaître... en une année... nous qui avons des siècles derrière nous... Essaie toujours ! Jeune présomptueux ! »     Un Inuit de Thulé (cité par J. Malaurie)

Les années précédentes, depuis 1999 exactement, j'effectuai plusieurs séjours dans cette région du monde, parcourant en tous sens, et durant près de deux années cumulées au total, ce sud-est asiatique, de la Chine du Sud à l'Indonésie et du Laos à la Birmanie, en passant par quelques autres pays tels le Cambodge ou encore la Malaisie. Une part substantielle de ce temps fut consacrée au Laos, pays qui m'avait dès le premier jour - en réalité avant même d'y avoir posé le pied pour la première fois - fasciné, un attrait qui n'avait ensuite plus décliné. Je visitai ainsi d'abord, avec une certaine nonchalance - et pourvu par ailleurs d'un budget particulièrement restreint - presque la totalité des provinces du pays, avant de me concentrer sur les plus septentrionales d'entre elles, montagneuses et riches d'une diversité ethnique et culturelle inouïe, creusets de pratiques traditionnelles et ancestrales restées jusqu'à cette époque étonnamment préservées, autant d'aspects que je recherchais déjà avec une insatiable avidité. Même si la documentation sur ces sujets était alors peu abondante, de plus peu visible ou difficile d'accès, je ne tardai pas à présumer de l'étendue de cette richesse. Rapidement je m'attachai ainsi, avec une certaine dose d'obstination, à approcher ces villages traditionnels - un hasard de circonstance ayant par ailleurs permis que ma deuxième nuit seulement dans le pays se déroulât chez l'habitant, aux côtés des Khui, un groupe ethnique apparenté aux Lisu et résidant aux alentours du petit bourg de Vieng Phuka, au cœur de la province de Luang Nam Tha.

Dès lors, avec beaucoup d'improvisation et par conséquent trop peu de préparation, sans même parler des bases des vocabulaires locaux qui me faisaient cruellement défaut, j'effectuai nombre de randonnées à la journée, des marches qui ne me permettaient donc bien sûr pas encore d'atteindre les villages les plus isolés et préservés - dont par ailleurs je soupçonnais à l'époque à peine l'existence, tellement peu d'informations, je l'ai dit, étaient disponibles à leurs sujets. Ainsi tout de même, peu à peu, j'appris à côtoyer ces populations, m'initiant à leurs savoir-vivre, à leurs coutumes, à leurs mœurs et à leurs règles, puis commençai à réaliser quelques traversées et périples un peu plus ambitieux de deux, trois, puis jusqu'à cinq et même huit journées, dans des secteurs de plus en plus excentrés, à l'écart des principales voies de communication. Je me mis alors à passer de plus en plus de nuits aux côtés des villageois, et surtout à observer avec un intérêt et une passion sans cesse croissants leurs pratiques et traditions, celles-ci toujours en relation étroite avec leurs riches environnements forestiers. Je n'ai conservé aucune trace écrite à la suite de ces toutes premières expériences un tant soit peu sérieuses, mais sans doute ne faut-il pas le regretter tant elles présentaient à coup sûr quelques caractères naïfs.

À partir de là, ces séjours au Laos furent de durées plus brèves, mais cette fois entièrement et exclusivement consacrés aux confins de fascinantes régions localisées aux marges du pays, des secteurs toujours soigneusement sélectionnés pour leur isolement relativement "radical" - par exemple des zones frontalières recluses - ou encore tous ceux non desservis par des pistes carrossables, en somme les territoires a priori habités mais que l'on ne pouvait atteindre qu'à pied. Ce sont ces ultimes séjours que je relate à travers ces quelques pages.

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